Droits de l'enfant, 6-9 ans

RESUME 

Faits

Durant deux années scolaires, 17 ateliers ont été conduits par 4 animateurs (2 à la fois) en 4 endroits différents sur les communes de Sion et Grimisuat. Entre 6 et 16 enfants - de 6 à 9 ans - étaient présents. Chaque atelier a duré 3h avec un goûter de 20-30min à la fin et une pause de 10-15min au milieu.

Concept pédagogique

Dans le cadre du projet, nous avons proposé des ateliers éducatifs : ludiques et profonds à la fois. Chaque atelier s’est articulé autour des trois axes :

  1. Les droits de l’enfant afin de renforcer l’individu.
  2. La responsabilité civique pour développer l’appartenance à la collectivité.
  3. La communication consciente afin de mieux vivre la relation humaine.

Choix des droits de l’enfant [1]

Nous avons choisi trois droits : le droit à la non-discrimination (art 2), que nous avons préféré appeler le droit à la différence (bricolage des moutons en laine) ;  le droit à la liberté d’expression (art 13) (dessin d’un grand cœur) ; et le droit à la protection (art 16, 19, 20, 32, 34, 38) (modelage des lapins).

Déroulement

En 1ère heure, la découverte d’un droit se faisait à l’aide de la chanson et de l’animal profilé dans le livre-disque. Le bricolage faisait partie intégrante de cette exploration. La 2ème heure était dédiée au transfert de nouveaux concepts dans le monde des humains et application dans notre vie. Un conte en lien avec le thème, des discussions avec des jeux de rôles permettaient une implication personnelle de chacun.

L’essentiel

« Travailler » avec cette tranche d'âge, c'est franchir la porte de l'innocence et de la vulnérabilité. C'est pénétrer dans le « Très - Saint » de l'humanité. Développer la confiance ainsi que l'estime de soi à ce moment de la vie, c'est poser des fondements solides pour la construction du futur adulte. L'apprentissage des valeurs et de la communication à cet âge sensibilise de manière efficace envers les questions de respect mutuel et résolution de conflits.

RAPPORT

Le respect qui sauve

Un profond respect permet d'accueillir les réactions de l'enfant sans jugement. Lorsqu'on est confronté à des comportements très bruyants ou inadéquats, il est possible de recevoir de l'empathie auprès du collègue pour garder son assise. Il arrive qu'un enfant bénéficie d'une écoute individuelle, pour pouvoir exprimer ce qui se passe en lui, pendant que le collègue continue l'animation.

Je [2] me souviens d'un enfant qui s'amusait à se rouler par terre malgré nos demandes répétées d'attention. Je lui explique que si je le sors de la salle un moment, ce n'est pas pour le punir. Il me dit qu'il voudrait tellement rester tranquille, mais que c'est impossible pour lui. Il était assez triste d'être aussi impuissant. J'ai été ému par cette candeur qui constate ce qui est demandé, qui voudrait le faire, mais qui ne le peut pas. Aucune volonté de sauver la face, d'inventer des histoires ou d'invoquer une excuse extérieure à lui. Il a dit juste ce qu'il vivait et que c'était difficile pour lui.

L'enfant avec « mode d'emploi »

Les enfants ont de vrais bonheurs et parfois de vrais problèmes. Ils ont besoin d'écoute, d'attention et non de jugements, de critiques, de menaces, de chantage ou de dénigrement gratuit. Les jugements ferment et enferment. Nos projections exagérées, nos attentes immodérées, nos stratégies conçues pour lui plutôt qu'avec lui vont le mener à l'enfermement, l'enfer-mement. Cela va le désécuriser, le robotiser, tuer sa joie de vivre et la nôtre.

La curiosité, l'ouverture, les questionnements face à un comportement permettent une observation plus neutre. Cela donne à l'enfant une chance d'être compris, accompagné dans ses difficultés, voir d'être aidé par des professionnels, si cela doit être. Vu sous cet angle, l'enfant n'est plus un objet qui DOIT faire, comprendre, obéir, à tout prix. Il est une personne à part entière et il a en lui une sorte d’un mode d'emploi. C'est à l'adulte de découvrir ce mode d'emploi. Par l'apprivoisement, la complicité, la communication, découvrir tous ces trésors et possibilités qui sommeillent chez l’enfant.

Pratiquement, dans nos ateliers, nous l’avons fait en utilisant la question « Comment ». Cela créé un espace de réflexion chez l'enfant.  Plutôt que de lui dire : « Je veux que tu restes tranquille! » on a demandé: « Peux-tu me dire ce qui est difficile pour toi quand on te demande de rester tranquille ? Comment pourrais-tu faire pour avoir plus d'attention en ce moment? ».
De cette manière, l'enfant se sent pris en compte. Cela décuple en lui le plaisir de vouloir résoudre la difficulté, cela le grandit. Ce genre de dialogue renforce le lien et augmente la confiance en soi et en la vie. A ce moment-là, le soutien de l’adulte porte l'enfant vers le meilleur de lui-même, cette écoute inconditionnelle va lui donner des ailes !

L'observation et le « comment ? » au service de la relation et de la transmission
1er temps : L'observation et la discussion permettent à l'adulte de déceler « le savoir actuel » de l'enfant  sur le sujet donné.
2ème temps : Les questions facilitent l’identification des sentiments de l'enfant en rapport avec la situation qu'il est en train de vivre. L'écoute de l'adulte lui donne de la force, du calme, de la sérénité, l'envie d'aller de l'avant plutôt que de la peur, de la colère ou de la victimisation.
3ème temps : L’adulte valide les idées « géniales » de l’enfant qui apporte ses solutions. Par des questions, on peut l'aider à démêler le possible de ce qui ne l'est pas.
4ème temps : L’adulte propose son aide, en portant le bout de la difficulté qui est trop difficile à gérer pour l’enfant. A ce stade, on peut aussi transmettre ses expériences personnelles, ses valeurs.

On se souvient

  1. D'un enfant qui a dessiné un bonhomme, dans un grand cœur où tous les enfants devaient dessiner quelque chose. Tout à coup, un autre enfant critique son dessin et lui dit qu'il est moche. L'enfant se met d'abord en colère, puis retourne sa colère contre lui-même et se met à se dénigrer, en disant : « Je sais bien que je ne sais pas dessiner ! C'est toujours comme ça ... ». Je demande alors à celui qui a critiqué : « Qu'est-ce qui t'a poussé à dire que ce dessin est moche ? » Un dialogue basé sur l'introspection de chacun a permis de mieux se comprendre, d'apprendre à avoir plus de tolérance, plus d'autonomie dans son jugement sur la beauté et de l'exprimer sans faire mal à l'autre. La beauté n'est-elle pas dans les yeux de celui qui regarde ? La beauté est personnelle. Grâce à cette écoute, le cœur de chacun a pu être réparé.
  2. Dans un atelier sur le droit à la protection, nous avions demandé de réfléchir à un souvenir où l'enfant avait demandé à un autre de lui prêter un jouet, et l'autre a refusé. Puis, nous leur avons demandé quel a été leur sentiment face à ce refus. Ils ont répondu qu'ils avaient éprouvé de la colère, puis de la tristesse. Puis, nous avons demandé : « Comment avez-vous fait quand vous avez compris que vous n'aurez pas le jouet ? ». Deux enfants ont répondu qu'ils avaient imaginé qu'ils possédaient quand même le jouet et qu'ils pouvaient jouer avec. Nous étions émerveillés de voir la faculté de rebondir de ces enfants, leur capacité de mettre en place des stratégies qui leur permettent de retrouver leur équilibre.
  3. Dans l’atelier sur le droit à la liberté d’expression, les enfants ont dessiné ensemble un cœur. Ensuite, ils ont partagé des situations où quelqu'un leur a dit quelque chose de blessant. Je leur ai demandé de déchirer leur dessin, chaque enfant à son tour, après avoir raconté leur vécu. Les larmes aux yeux, un d’entre eux m’a demandé : « Mais nous avons dessiné ce cœur le mieux que nous savions et maintenant tu veux qu’on le déchire ? » Nous avons mis les enfants devant la douloureuse réalité que personne nous demande la permission avant de nous blesser par les paroles ou par les gestes……

L'enfant « une personne à part entière »

Ces ateliers nous ont montré à quel point chaque enfant est unique.

Les enfants ont, en eux-mêmes, des capacités de résilience incroyables.

Grâce à une écoute inconditionnelle, une complicité, beaucoup d'observation et de « comment ? », l'enfant accompagné de cette manière peut délivrer le meilleur de lui-même. A son étonnement, il découvre l’adulte comme son complice.

Nous avons ressenti de l'émerveillement devant le courage et la bonne volonté des enfants face à des situations exposées pendant ces ateliers. Nous nous sommes sentis proches d’eux. Il y a beaucoup de candeur, mais aussi parfois de la férocité ou de l'effondrement lorsque l'enfant se sent trop longtemps en danger, mis à l'écart, dévalorisé ou humilié.

C'est pourquoi, en tant qu’adulte, cela vaut la peine de se pencher sur le monde intérieur de nos enfants ; cela vaut la peine de prendre du temps pour les écouter, afin qu’ils puissent grandir en confiance en eux-mêmes et qu'eux aussi puissent nous écouter avec plaisir. Le dialogue intergénérationnel ne peut qu’en bénéficier !  Et c’est peut-être là où se trouve le secret pour une passerelle réussie de l’adolescence…. !

[1] Comme définis dans la Convention de Droits de l’Enfant de 1989 et développés dans le livre-disque « Droits des enfants », 2010, Institut International des Droits de l’Enfant ; textes et dessins Léopoldine Gorret, musiques et chants Denis Alber.

[2] Dans ce rapport, nous utilisons parfois le singulier parfois le pluriel : le pluriel met en valeur les expériences communes et le singulier permet à chacun de nous de partager notre expérience individuelle.